Le 10 février 2019, Abdelaziz Bouteflika annonce, par communiqué, sa candidature à un cinquième mandat présidentiel. Au pouvoir depuis 1999, il est durablement affaibli depuis 2013, à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Ses apparitions sont rares et il ne communique que par écrit. Un portrait d’un Bouteflika un peu plus jeune et en meilleure santé, encadré, fait office de président lors des cérémonies officielles. Dans les jours qui suivent l’annonce de sa candidature, des manifestations ont lieu dans des villes moyennes de l’Est algérien telles que Bourdj Bou Arreridji, Kherrata et Kenchela. Un appel à manifester dans tout le pays, le vendredi 22 février, circule sur les réseaux sociaux. En raison de son caractère anonyme, il suscite des craintes et nourrit des discours complotistes : les islamistes seraient à l’origine de l’appel, ou bien encore le DRS (les services de renseignement). Je commence à être attentive aux évènements.
Héros historiques et icônes anonymes du Hirak, la genèse d’un projet de recherche

Dans les rues et les places des villes algériennes, des manifestants crient : « Ali ! Ils ont vendu (le pays), Ali » (يا علي، بعوها يا علي) . Leurs voix sont emplies de détresse. Le slogan sonne comme un appel au secours. Sur les banderoles, les pancartes et les t-shirts, dans les chants et les slogans repris en cœur, Ali la Pointe est à l’honneur. De son vrai nom Ali Ammar, ce combattant de la guerre d’indépendance algérienne, tué par l’armée française le 8 octobre 1954 alors qu’il avait 27 ans, est célébré dans l’histoire nationale. Le film de Gillo Pontecorvo La Bataille d’Alger qui romance son parcours a fixé son image dans les mémoires. Comme l’écrit l’historienne Christelle Taraud, Ali la Pointe devient avec ce film « le héros de l’un des épisodes les plus importants et symboliques de la guerre d’Algérie et, par extension, de la mythologie nationale algérienne ».